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Biocoop : commerçant cohérent

Cette coopérative presque trentenaire est leader sur les produits biologiques avec 14% des parts de marché et une croissance de 13,4% en 2015. Pour avancer et durer, Biocoop compte sur des valeurs bien ancrées d’équité, de respect du consommateur et de l’environnement. Nous avons rencontré Gilles Piquet-Pellorce, Directeur Général de Biocoop.

Faire Savoir Faire : Comment a commencé l’aventure Biocoop ?Gilles Piquet-Pellorce : En 2016, l’enseigne fêtera ses 30 ans. Notre passé est très particulier, puisque Biocoop est née de mouvements de consommateurs. Dans les années 60, face au développement de la grande distribution et la montée du consumérisme, certains producteurs français ont décidé de se rencontrer et d’échanger des produits. Ils ont rapidement constatés que leurs débouchés étaient limités, et ont amplifié leurs échanges. En 1986 s’est tenu le congrès fondateur de Biocoop, à Annecy et 40 magasins se sont regroupés dans cette formation initiale. Un système de distribution a été créé, ainsi qu’une plateforme. Cela a généré la création d’autres SARL qui souhaitaient également ouvrir leurs magasins. L’association y était favorable dans la mesure où les valeurs originelles de Biocoop étaient portées et respectées. Entre-temps, les magasins se sont développés, pour en 2004 fusionner et devenir une SA coopérative. Notre conseil d’administration est aujourd’hui composé de quatre sections : les sociétaires salariés, les sociétaires magasins, les sociétaires consommateurs et les sociétaires producteurs. Leurs objectifs sont forcément différents, voire contraires, certains souhaitent acheter moins cher, et d’autres vendre plus cher. Il a fallu créer un consensus qui préserve les intérêts des uns et des autres. Les salariés sont payés convenablement, les consommateurs payent le juste prix, ni trop, ni trop peu.

FSF : Quelles sont les valeurs de Biocoop ?
G.P-P. : Nous sommes des militants, et faire uniquement du profit ne nous intéresse pas. 24% de nos produits sont issus du commerce équitable, ils contiennent zéro OGM. Nous vérifions tout au préalable, l’origine de l’origine. Nous estimons que le commerce n’est pas roi, que c’est un mal nécessaire pour développer tout ce qui fait la charte de Biocoop. Faire du commerce ne veut pas dire faire n’importe quoi, uniquement parce que le consommateur désire tel ou tel produit. Nous ne fonctionnons pas comme ça. Par exemple, chez Biocoop, nous avons fait le choix de ne pas vendre de compléments alimentaires. 80% des magasins Biocoop ne vendent pas d’eau en bouteille. Ce qui nous différencie c’est cet engagement. Les produits non conformes n’entrent pas chez nous. Nous ne vendons pas de tomates lorsque ce n’est pas la saison. Tous nos produits touchent la terre, rien n’arrive par avion. Nous avons la prétention de ne pas laisser le choix au consommateur, quand le choix est synonyme de produits qui ne respectent pas nos valeurs. Le vivant ne peut pas être industrialisé et le consommateur commence à s’en apercevoir. Nous avons un trop profond respect pour le produit pour appeler ça de la « came », comme certains le font. D’ailleurs nous ne parlons pas du bio, mais de « la » bio, pour nous ce n’est pas un marché, c’est une agriculture. C’est un respect non seulement du produit, mais surtout du consommateur. Nos valeurs sont humaines, tout bêtement.

FSF : Quels sont vos résultats ?
G.P-P. : Notre chiffre d’affaires est de 737 millions d’euros en 2015. L’année prochaine il atteindra 850 millions d’euros, et dans deux ans nous pensons dépasser le milliard. Nous sommes en croissance, nos résultats économiques progressent, nous avons fait +13,4% cette année ! Nous sommes au rendez-vous d’un changement sociétal majeur. La nouvelle génération détient une autre vision du monde, d’autres aspirations. On nous a traité de barbus à sandales, mais nous sommes bel et bien des commerçants. Nous détenons 14% des parts de marchés sur le bio, ce qui nous donne la position de leader. Mais nous sommes avant tout leaders sur le degré d’exigence. En réalité, les parts de marché sont loin d’être notre préoccupation première. Ce sont nos valeurs qui nous guident. Si nous gagnons plus de parts de marché, nous rayonneront plus fortement et c’est tant mieux. En 2010, lorsque je suis arrivé, nos résultats étaient limités. Ils le sont toujours, mais sciemment. Notre objectif est de mettre en œuvre un commerce différent. Nous n’avons pas d’actionnaires à rémunérer. Les différents acteurs de Biocoop sont liés par leurs valeurs avant tout. Il n’y a pas une partie d’entre nous qui s’en met plein les poches et une autre non… La cohérence est notre force. La grande distribution, elle, ne fonctionne pas ainsi. Elle tire sur les prix au détriment de ses fournisseurs. Un commerce plus responsable profite à tous. Chez nous, aucun maillon de la chaîne n’est lésé.

FSF : Et vos perspectives de développement ?
G.P-P. : Nous avons forcément des ambitions, mais nous souhaitons les atteindre sans pression. Nous comptons 370 magasins aujourd’hui dans notre réseau. Il y a de la place pour un maillage de 600 magasins. Mais cela ne se fera pas en bousculant les valeurs de Biocoop. Si nous ouvrons 40 magasins de plus l’an prochain, c’est parce que nous aurons eu des sociétaires motivés. Nous sommes ouverts aux idées de nos sociétaires. Rue de Paradis (Paris 10ème), un magasin « dada » a été créé, avec un design novateur qui fonctionne bien. Le seul concept chez Biocoop, c’est de ne pas en avoir. Chaque sociétaire est indépendant, et suit ses envies. Nous avons différents types de magasins, certains très simples et d’autres très travaillés. Certains font de la communication, d’autres pas du tout. La diversité est un autre de nos atouts.

FSF : Pouvez-vous nous en dire plus sur votre sentiment concernant la grande distribution traditionnelle ?
G.P-P. : Pour moi, la grande distribution telle qu’elle existe est vouée à disparaître. Il est intéressant de constater que cette dernière fait la promotion de l’agriculture après avoir concouru à la détruire pendant des années ! Personne n’a jamais bloqué nos parkings en y déversant du fumier, car nous n’avons jamais oublié de payer nos fournisseurs, et qui plus est de façon correcte. Nous avons récemment reçu un prix RSE, au même titre qu’Intermarché, décerné par le Club Génération Responsable. La différence c’est que nous, nous ne vendons pas de denrées importées de très loin, à côté de nos produits. Si l’enseigne n’est pas cohérente, il y a un problème. Nous ne sommes pas parfaits, mais il est très important pour nous d’être cohérents.

FSF : Comment faites-vous, justement, pour être en cohérence avec vos valeurs ?
G.P-P. : Au niveau de l’énergie que nous utilisons, par exemple, nous avons cofondé Enercoop, qui vend de l’électricité 100% renouvelable. Nous avons signé un contrat d’énergie sur 30 ans. Aujourd’hui nous payons, certes, plus cher que les autres, mais dans 15 ans nous payerons probablement moins que tout le monde. Nous avons récemment fait un investissement et couvert 2000m2 de toit de l’un de nos sites en panneaux photovoltaïques. Nous auto-consommons cette énergie. Notre objectif est de l’étendre sur l’ensemble de nos sites. Trois investissements dans ce domaine sont prévus d’ici à 2018.

FSF : Le marché du bio est en croissance, face à une demande grandissante. Selon vous, y’a-t-il eu un tournant qui a provoqué l’engouement ?
G.P-P. : Je pense effectivement qu’il y a eu un tournant dans l’actualité, qui a fait prendre conscience aux consommateurs qu’il fallait faire attention. Pour moi, c’est l’épisode des lasagnes à la viande de cheval. Les gens ont commencé à comprendre que la grande distribution tirait sur les prix d’une manière pas très transparente, ni honnête. Le schéma a atteint ses limites. Les scandales alimentaires donnent envie aux gens de revoir leur épicier de quartier, qui connaît son produit, sa provenance…

FSF : Pour certains, les prix du bio sont élitistes, qu’en pensez-vous ?
G.P-P. : Nous vendons au juste prix. Nous tentons également de compenser le « surcoût » par d’autres moyens. En faisant du vrac par exemple – ce qui colle à nos valeurs puisque nous produisons moins d’emballages – qui abaisse le prix de 25%. De plus, le consommateur se sert selon ses besoins. Quel intérêt d’acheter 500g de pâtes si on n’en consomme que 300g ? Cela permet de lutter contre le gaspillage alimentaire. Si le consommateur respecte la saisonnalité des produits, il peut tout à fait consommer moins cher en bio !

FSF : Comment sélectionnez-vous vos sociétaires ?
G.P-P. : Nous avons eu cette année 1000 demandes d’ouverture de magasins, nous avons sélectionné une trentaine de dossiers. Pour vous dire à quel point notre filtrage est important. Notre souci n’est pas que nos futurs sociétaires aient de l’argent ou soient passés par la grande distribution auparavant. S’ils n’ont pas d’argent, on va même leur en prêter. Ce qui importe, c’est qu’ils suivent notre cahier des charges et adhèrent à nos valeurs. Biocoop, c’est un creuset commun, une vision commune.

FSF : De quoi est composé votre réseau ?
G.P-P. : Notre réseau est composé de toutes les formes juridiques existantes, des collectives et des individuelles, des SARL aux SCOP. Il y a des surfaces de toutes tailles, de 50 à 800m2. Nous en avons des ultra-commerçantes, et d’autres ultra-militantes ! Dans ces dernières vous ne pouvez pas entrer sans votre carte d’adhérent à la coopérative, comme on le ferait chez Metro. Le taux de défaillance chez nos sociétaires est inférieur à 1%. Cela induit que notre modèle économique est fiable.

FSF : Votre magasin Biocoop21, 100% sans emballage, reste ouvert deux mois de plus dans le 10ème arrondissement de Paris, pour quelles raisons ?
G.P-P. : C’est un magasin test, avec des choses nouvelles, comme du miel ou du vin en vrac. Nous voulons être sûrs de ce que nous faisons, et souhaitons collecter plus d’éléments pour nous conforter dans cette direction. Nous avons un peu été victime de notre succès, il y a eu un bel écho dans la presse sur cette expérience. Nous verrons si nous déclinons ce modèle en magasin.

FSF : Que pensez-vous de l’omnicanalité grandissante des enseignes, est-ce un but à terme pour Biocoop ?
G.P-P. : On observe, mais à vrai dire, nous souhaitons profondément conserver le contact avec le consommateur, être capable de lui expliquer le produit, son origine, etc. Biocoop aura toujours des magasins physiques, c’est important pour nous. Personnellement ça ne me fait pas rêver d’acheter en ligne. Les courses sont une corvée ? Je ne trouve pas ! Je pense que les générations Y et Z, même ultra-connectées, vont rester attachées aux courses physiques, elles ont envie de réalité. J’assume ma ringardise dans le domaine. Il est impossible pour nous de nier toute relation humaine, c’est contraire à nos valeurs, et je pense que ce sont ces dernières qui attirent les gens vers nous.

Par Sabrine Moressa

Rédacteur(rice) magazine et web

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