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FNIL. J’accuse !

La filière laitière va mal. Aujourd’hui, c’est au tour de la FNIL (Fédération Nationale des Industries Laitières) « d’accuser » Les distributeurs sont les premiers visés, les Pouvoirs Publics le sont également. L’issue de la crise est, en tous cas, loin d’être claire.

Voir le bout du tunnel, c’est ce que souhaitent tous les acteurs laitiers, producteurs comme transformateurs. La crise laitière n’a, en effet, que trop duré. Mais, cette fois, c’est la FNIL (Fédération Nationale des Industries Laitières) qui « accuse », délibérément avant le prochain salon international de l’agriculture, avant que les producteurs laitiers ne s’expriment à leur tour.

Un marché très volatil

Depuis la suppression des quotas laitiers et la dérégulation du secteur laitier en Europe, la filière va mal, souffrant de fluctuations importantes du volume de lait disponible et donc du prix du lait.
A la fin du 1er semestre 2016, après deux années de surproduction, les prix du lait payés aux producteurs et des produits laitiers (vendus aux distributeurs et aux consommateurs) ont atteint des niveaux très bas en France, en Europe et dans le monde.

Au deuxième semestre, la situation s’est totalement inversée. La production laitière s’est effondrée en France (- 7 %), en Europe (- 4 %) et dans le monde. Le prix du lait a remonté (pas assez de l’avis des producteurs !), ainsi que celui des produits laitiers sortis usine industriels (beurre, fromages et poudres) avec des prix historiquement élevés. Les prix des produits de grande consommation ont toutefois continué de s’éroder toutes familles confondues (lait, crème, yaourts, fromages) et les industriels n’ont pas pu profiter de hausses de prix sur leurs produits. Ce que dénonce la FNIL !

« C’est la faute à l’effet promo et à la Loi de modernisation économique/LME », avance fermement Olivier Picot, président de la FNIL. « Tous les maillons de la chaîne doivent démontrer leur capacité à réhausser les prix sur un marché qui va mieux, même si la loi permet de ne pas le faire. Après quoi, si le prix payé aux producteurs ne s’améliore pas, on frôlera l’injustice. »

Une LME favorable aux uns, défavorables aux autres

Olivier Picot met directement en cause les distributeurs, la LME et les Pouvoirs Publics. Votée à l’été 2008, entrée en vigueur début 2010, la LME était censée par son volet concurrence donner aux distributeurs de nouvelles capacités de négociation avec les industriels. L’objectif du gouvernement était clair : faire baisser les prix des produits de grande consommation afin de soulager des Français en mal de pouvoir d’achat.

Mais, les résultats ont été tout autres, notamment les négociations n’ont pas gagné en fluidité. « La LME a provoqué des dégâts en baissant extrêmement bas les seuils de vente à perte, en organisant donc la guerre des prix et en permettant les discriminations des conditions commerciales. Elle a détruit de la valeur et de l’emploi », plaide aujourd’hui le représentant des industriels. « Or il n’y a pas de loi du commerce universelle. En réduisant la pression concurrentielle, les marges pourraient se reconstituer.» La FNIL s’était d’ailleurs opposée à la LME depuis 2007 mais, faute de combattants distributeurs, « le combat » avait cessé. Et puis, à l’époque, l’urgence était moindre car il n’y avait pas de volatilité des matières premières.

Seuls les distributeurs y avaient vraiment trouvé avantage, en particulier l’enseigne Leclerc. Depuis 2009, ce distributeur – que les esprits chagrins, dont la FNIL, accusaient d’avoir orienté, à son avantage, une partie du contenu de cette loi ! -, a notamment gagné des parts de marché. A cette époque, elle était d’ailleurs revenue progressivement à une approche de « discounter », en baissant les prix permanents, de tous les jours, et en diminuant progressivement la part des prospectus. Il faut savoir, en outre, que toute guerre des prix entraîne systématiquement une baisse des prix des produits à marque et une disparition progressive des MDD et des 1er prix. Ce qui se passe déjà sur certains marchés sans entraver les ventes des distributeurs ! Senoble a, par exemple, cédé ses activités MDD.

Pas d’unanimité pour Sapin 2 non plus

Si les Pouvoirs Publics ne s’étaient pas attendus à de tels revers de manches, ils n’ont toutefois pas souhaité réviser la LME. Ils ont décidé, par contre, d’intégrer de nouvelles notions d’encadrement commercial dans la Loi Sapin 2, dite la loi sur la transparence, la lutte contre la corruption et la modernisation de la vie économique.

Plusieurs dispositions visent, en effet, à assurer une meilleure répartition de la valeur au sein de la filière alimentaire (producteurs inclus), grâce à des relations commerciales plus transparentes et à une contractualisation rénovée entre les producteurs agricoles et les entreprises agroalimentaires d’une part, et les entreprises agroalimentaires et les distributeurs d’autre part.

Pour la filière lait de vache, une des dispositions consiste à mettre en place une contractualisation écrite obligatoire, c’est-à-dire un accord-cadre entre les acheteurs/transformateurs et les organisations de producteurs (OP) ou associations de producteurs (AOP) pour rééquilibrer le rapport de force.

Une autre disposition impose de prendre davantage en compte les prix de vente des produits transformés pour la fixation des prix payés aux agriculteurs, afin d’assurer une juste répartition de la valeur. Est d’ailleurs rendue obligatoire l’indication, dans les contrats commerciaux entre industriels et distributeurs, du prix prévisionnel moyen du lait payé au producteur. Cette disposition convient tout à fait aux producteurs, comme on l’entend à la FNPL (Fédération nationale des producteurs de lait) : « Ainsi, si un distributeur veut négocier son camembert à 3,80 € au lieu de 4 €, l’industriel pourra lui répondre : Si je vous les vends à ce prix-là, je devrais baisser de 34 €/1 000 l à 30 € le prix du lait des producteurs ». Les distributeurs ne sont pas contre non plus sur ce point précis. « Nous demandions, depuis quelque temps, de mettre les prix de vente moyen aux producteurs dans la tarification des produits », témoigne Serge Papin, PDG de Système U.

Avec la Loi Sapin 2, les promotions sont également limitées. Afin de ne pas nuire à la valeur des produits laitiers, un plafond de ristourne a été fixé à 30 % au maximum. Une mesure qui interdira les « un acheté, un gratuit », fréquents ces derniers mois pour les grandes marques.

Les industriels, par contre, ne sont pas du tout satisfaits. Soulignant que la Loi Sapin 2 n’a été votée qu’après le début des négociations commerciales, la FNIL estime par exemple « qu’elle ne peut pas être applicable aux négociations en cours et qu’il ne peut y avoir aucune rétroactivité juridique ». « Il nous paraît, en outre, inutile d’indiquer dans nos contrats commerciaux avec les distributeurs le prix prévisionnel moyen du lait payé au producteur », remarque Olivier Picot. « Ce prix est déjà connu et fixé par les contrats laitiers que nous signons pour 5 ans avec nos fournisseurs/producteurs de lait et nous en faisons état aux distributeurs. La formule de calcul, qui généralement varie avec les prix du marché, est ainsi fixée pour une durée de 5 ans par chaque entreprise. Ce qui nous paraît très juste. »

Des négociations toujours difficiles

Malgré les engagements en faveur de la filière (et surtout de la production laitière !) pris ici ou là par les distributeurs, la situation ne s’est toujours pas apaisée. Rappelons que Leclerc a affiché son accord pour un prix du lait supérieur au prix du marché, qui pourrait être fixé par l’état ou par l’interprofession, mais dans un cadre forcément agréé par les autorités de la concurrence. Et que plusieurs producteurs (Leclerc, Intermarché et d’autres) ont signé la charte laitière de valeurs proposée par la Fédération nationale des producteurs de lait (FNPL), s’engageant ainsi « à partager équitablement les risques de volatilité des prix en cherchant des moyens de limiter leurs fluctuations et à mieux informer les consommateurs. »

« En France, les négociations 2017 en cours entre fournisseurs et distributeurs, et qui devraient se conclure fin février, se passent mal », affirme Olivier Picot. Selon la FNIL, les distributeurs refusent de prendre en compte la hausse des prix sur le marché laitier et exigent même de leurs fournisseurs des baisses de prix supplémentaires. Ils continuent d’appliquer les tarifs et les promotions prix décidés en 2016 alors que le marché s’est retourné, que le prix du lait est plus favorable mais que beaucoup de produits laitiers font face à des disponibilités de matières premières très tendues. « Depuis le début des négociations en novembre dernier, nos prix de vente sortis usine se sont encore dégradés, reculant de 3,1 %. Ce qui est logique face à une baisse de prix du lait mais cette baisse n’a pas été répercutée aux prix de vente consommateurs », ajoute notre interlocuteur. « Les laitiers français doivent retrouver de la rentabilité, notamment par l’export. En Europe, par exemple, à condition d’être soumis aux mêmes règles dans toute l’Union Européenne, ce qui n’est pas le cas. Et aussi dans le monde, pourquoi pas au Canada. » A noter qu’aujourd’hui 45 % du lait français est exporté sous une forme ou une autre.

A la veille du salon de l’agriculture, SIA 2017, l’issue de ces négociations commerciales n’est donc pas du tout claire. Ce qui inquiète tous les acteurs et le ministre de l’Agriculture. « Aujourd’hui il n’y a personne pour assumer sa part de responsabilité : tout le monde considère sa petite opportunité, ses petits intérêts avant l’intérêt général », déplorait récemment Stéphane Le Foll sur France Culture.

Par La Rédaction

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